Depuis plusieurs mois déjà, on entend fréquemment parler du nouveau cours « Éthique et culture religieuse ». Controversé, ce cours a encore été à l’origine d’une manifestation cette fin de semaine à Montréal. Une foule d’environ 2000 personnes auraient investi les rues du centre-ville avec des pancartes portant entre autres les inscriptions « NON à la religion d’État » et « L’État dépasse son mandat » en exigeant la liberté d’inscrire ou non leurs enfants au cours en question.
Commençons par le commencement : la perfection n’est pas de ce monde et il y a surement beaucoup à reprocher à un cours portant sur un sujet aussi sensible que la religion. Toutefois, voyons l’argumentaire provenant de ce groupe de manifestants, du moins ce qui en est ressorti dans les médias. On reproche à ce cours de « mélanger » les enfants, de faire passer le domaine de la religion comme « un buffet où on choisit ce qui nous plaît le plus ». De ce que nous en savons, le cours est pourtant censé être donné de manière objective, sans prosélytisme, avec pour but de faire connaître les caractéristiques des diverses religions. Dans un Québec secoué il y a à peine un an par une simili-crise sur les accommodements raisonnables, crise exagérée par les médias et exacerbée par les stéréotypes et la non-connaissance des religions non chrétiennes, comment peut-on encore vouloir s’enfermer dans notre ignorance en matière religieuse? Qu’est-ce que ces individus qui étaient dehors au centre-ville ont de mieux à proposer? Dire aux enfants qu’ils n’existent qu’un Dieu, qu’une religion valable? Si c’est le cas, je crois qu’on peut clairement parler d’obscurantisme. L’école ne doit pas servir à conforter les étudiants dans leurs positions dogmatiques, mais bien les amener à développer leur jugement et à apprendre à s’en servir de manière autonome. L’étude de n’importe quel sujet nécessite la confrontation des différentes thèses, ou à tout le moins leur connaissance. Pourquoi devrait-il en être autrement pour la spiritualité? Si ces parents ont si peur que leurs enfants ne délaissent leur religion au contact d’autres formes de spiritualité, peut-être qu’ils devraient se questionner sur l’attractivité de celle-ci…
Mon deuxième point touche la relation individu-État. Il y en avait plusieurs, lors de cette manifestation, pour demander le retour de l’éducation religieuse (lire catholicisme et protestantisme) à l’école publique. Pardon? On manifeste contre ce qui serait supposément la nouvelle « religion d’État » (la laïcité), on dit que l’État dépasse son mandat lorsqu’il tente d’inculquer des connaissances religieuses élargies à la population, mais on voudrait revenir à un système d’éducation où on enseigne les fondements d’une religion dans une institution publique? Pourquoi ne pas engager des religieux pour donner les cours tant qu’à y être? Si les parents veulent inculquer des valeurs religieuses à leurs enfants, qu’ils le fassent, mais qu’ils le fassent de la même manière qu’ils souhaitent voir les autres groupes religieux faire leurs rituels, soit EN PRIVÉ. C’est aussi cela la démocratie : empêcher la tyrannie de la majorité sur les minorités.
Je le redis encore : le cours d’éthique et de culture religieuse a peut-être beaucoup de défauts; toutefois, avec les contextes sociétaux et mondiaux actuels, il est important de combattre l’obscurantisme et il est primordial que l’État continue de remplir son devoir premier : former des citoyens instruits et informés.
Sébastien Lalonde
4 commentaires:
Félicitation pour l'article ! C'est à mon grand regret que je vois que ce sont les opposants au cours qui occupent toute la place dans ce débat. Je tiendrais à ajouter quelque chose.
À mon avis, l'opposition à ce cours est le symptôme d'une société trop individualiste à qui on a donné trop de droit individuels. L'individu devrait être le seul maître de son destin et gare à ceux qui veulent lui dire quoi faire, parce que lui, IL A DES DROITS. Par contre, on oublie l'importance d'avoir un fond culturel commun pour assurer la cohésion d'une société; je vous rappelle que les beaux idéaux libéraux des Locke, Hobbes et Mill de ce monde n'ont jamais pu atteindre l'universalité dont ils avaient la prétention, il a toujours fallu une bonne dose de nationalisme pour pour créer des sociétés libérales viables. Le cours d'éthique et de culture religieuse est un outil obsolument indispensable pour assurer une bonne cohésion sociale dans une société de plus en plus plurielle. À mon avis, ce cours, en tant que part indispensable du fond culturel commun au Québec, a une place aussi primordiale que les cours de français ou de mathématiques, qui eux ne sont pas remis en question parce qu'ils jouissent d'acquis historiques.
On observe deux tendances fortes au sein du mouvement de contestation: ceux en faveur du retour à l'enseignement confessionnel, judicieusement dénoncés par ton article, mais aussi des laïciste qui cachent mal leur athéisme. J'aimerais m'attarder sur eux. Ils pensent que ce cours en serait un de "glorification des religions" (je cite le mouvement laïc du Québec), qui serait muet quant aux formes d'éthiques areligieuse. Je tiens à rappeler ce que j'ai énoncé précédemment: un fond culturel commun est nécessaire pour assurer la cohésion sociale, une bande d'individus rationnels auto-didactes protégés jusqu'aux dents par des droits individuels inviolables ne formeraient en aucun temps une société fonctionnelle. Il faut des normes morales et éthiques relativement communes sur lesquelles fonder une société. Par là je ne dis pas l'État doit imposer par la force une morale quelconque, je dis que selon les époques, les conceptions éthiques en évolution vont s'affirmer par le processus démocratique. Or, les principales conceptions éthiques de notre temps VIENNENT DE LA RELIGION, et puisque nos sociétés sont de plus en plus plurielles, il faut présenter aux jeunes les différentes conceptions d'une société, qui ne sont bien souvent pas vraiment en conflit. Aux laïcistes-athées je dis: en prônant laïcité, vous vous méprenez en prônant en fait l'athéisme, une nouvelle forme de religion dangereuse à imposer dans un contexte où le caractère pluriel de la société nous invite plutôt à essayer de concilier TOUTES les tendance, au risque de revivre une autre crise des accommodements raisonnables. C'est une chose que de ne pas croire en un Dieu particulier, ce qui est mon cas, mais c'en est une autre que de vouloir l'imposer.
Je crois que tu tape en plein dans le mille Simon, il s'agit à mon avis d'une question de dosage et d'équité. Les reproches faits aux "intégristes" religieux québécois doivent aussi être formulés aux "intégristes" laïques. À mon avis, ces deux tendances sont aussi dommageables l'une que l'autre, puisque la première alimente l'intolérance - chez ses pratiquant autant que dans le reste de la population - et la deuxième incite au conformiste. Dans ces deux cas, il s'agit d'une forme de négation de la mosaïque culturelle que constitue les sociétés actuelles, ce qui est une entrave à la diversité, et qui à mon avis jette de l'huile sur le feu de l'intolérance. Alors, je dis combattons avec la même verve l'intégrisme et le laïcisme, pour la défense du pluralisme social.
Je suis d'accord avec toi Simon : J'ai toujours cru que l'"athéisme" était une religion au même titre que les autres, avec ses dogmes et ses contradictions.
Bien que je me définisse comme agnostique, je respecte le droit des autres à croire en ce qu'ils veulent, car je crois que les questions de moralité et de spiritualité sont d'intérêt strictement individuel. Je crois qu'on ne peut réellement débattre de ces choses avec une rationalité totale, puisque des concepts comme la vie, Dieu, la justice et une foule d'autres prennent des valeurs et des significations différentes selon les personnes.
Je suis d'accord avec la pensée romantique qui critique la philosophie des Lumières en l'accusant de "matérialisme athée". Les athées plus radicaux ont souvent tendance à ridiculiser la religion et les croyances des gens en utilisant une rationnalité froide et dénuée de compréhension de l'esprit humain. Je crois que cette façon de penser illustre une fermeture d'esprit flagrante chez des personnes qui se disent souvent objectifs et ouverts.
Deuxième chose : Je crois que ce que des gens comme ceux qui manifestaient la fin de semaine dernière ne comprennent pas, c'est que le fait de vouloir inculquer la connaissance d'autres religions n'est pas nécessairement une attaque à la religion chrétienne ou à ses valeurs. On peut (et on doit) vouloir instruire les gens sans faire de prosélytisme.
je crois mon tres cher simon que tu tappe dans le mille!!! mais toujours est-il que ce mouvement reflète exactement ton idée d'actualisation de la culture... en ce sens, les manifestants ont exprimer à travers cette manifestation une volonté de changement culturel, qui comme tu l'as précisé, s'est orchestré dans l'exercice de leurs droits civils. À mon sens,il ont déjà entammer l'actualisation de ce fond culturel commun en millitant en faveur ou en défaveur de l'éducation religieuse! Étrangement, j'aimerais aussi vous faire remarquer que cette manifestation était tres hétérogène est qu'elle a sucité un intérêt commun malgré la divergeance d'opinion et srutout le divergeance religieuse... ne serais-ce donc pas ça, cette fameuse révolution culturelle dont tu nous parle ???
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