dimanche 12 octobre 2008

Les Forces canadiennes, une «armée de paix»?


Clément Sabourin de La Presse publiait aujourd'hui un papier intitulé Forces armées : le recrutement tourne à plein régime, dont un extrait particulièrement probant nous rappelait par le recours au sarcasme que l'armée du Canada n'en est plus une de paix :

« En dépit des 97 soldats canadiens tombés en Afghanistan jusqu'à présent, les recrues ne manquent pas. L'année dernière, les objectifs des Forces canadiennes ont été atteints à 97 %. Ils sont jeunes, ils ont souvent un parcours scolaire chaotique et ils viennent chercher dans les Forces canadiennes aventure et argent. Par témérité ou inconscience, ils n'ont pas peur des dangers qui les attendent, convaincus de se joindre à une “armée de paix”. »

Cet extrait, à priori anodin, m'est rentré dedans de plein fouet en me mettant devant le fait que le Canada n'était plus le pays pouvant prétendre au pacifisme sur la scène internationale. J'en étais conscient auparavant, mais jamais on ne m'avait confronté avec autant d'habileté et de sarcasme à cet état de fait. Une fois ce choc digéré, je me suis empressé d'aller sur le Web pour voir à combien se chiffrait les effectifs des Forces armées canadiennes affectées aux missions de maintien de la paix des Nations unies, puisqu'il s'agit d'un indicateur généralement admis pour mesurer l'engagement d'un pays envers la paix sur le globe. Laissez-moi vous dire que l'on est loin « du plus meilleur pays au monde » de Jean Chrétien, du moins à ce point de vue. En effet, le Canada en août 2008 contribuait aux missions de maintien de paix de l'ONU à hauteur de 168 âmes, dont seulement 20 aux casques bleus. On est loin des 10,574 effectifs civils et militaires prêtés par le Pakistan.

Cela dit, certains diront « Ouin, mais le Canada participe quand même activement à l'établissement de la paix en Afghanistan ». Je répondrais à ceux-ci avec la question suivante : peut-on espérer établir la paix en faisant la guerre? Évidemment, non! La guerre est l'antithèse de la paix, qui par définition signifie l'absence d'hostilité, alors il serait absurde de penser qu'en combattant en Afghanistan on contribue à établir une paix durable dans ce pays. Parce qu'il ne faut pas se le cacher, ce que le Canada fait en Afghanistan est la guerre et rien d'autre. La preuve la plus éloquente de cela est la modification par l'OTAN des règles d’engagement, faisant en sorte que les soldats sous le commandement du FIAS ( Force internationale d’assistance à la sécurité) peuvent maintenant ouvrir le feu lors d'opérations offensives où lors de tout autre situation jugée nécessaire. «Auparavant, un tel geste pouvait être posé en cas de légitime défense seulement, selon les règles d’engagement de 1956 : maintenant, on en a voté d’autres parce que, pratiquement, dans le sud il y a guerre.»*

Bref, bien que la neutralité du Canada sur la scène internationale s'avère être un mythe, étant donné que le Canada, comme tout autre pays sur la scène internationale, cherche à tirer son épingle du jeu et à satisfaire ses propres intérêts, on peut dire que par ses choix de défense et de sécurité très clairs et engagés, le Canada ne peut prétendre avoir une « armée de paix ». Et cette situation est d'autant plus vraie dans un contexte de désengagement du Canada des institutions de maintien de la paix onusiennes...

P.S. Bien qu'il soit réducteur de prétendre juger du caractère pacifique du Canada sur la scène internationale sur seulement deux questions, je crois que ma démarche est suffisante compte tenu de la forme de ce billet.

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