vendredi 26 septembre 2008

Impressions du premier débat présidentiel




Ça y est le premier débat présidentiel entre John McCain et Barack Obama, se déroulant à l'université du Missippi, et portant sur la politique étrangère américaine vient tout juste de se clore.

Verdict : Match nul avantage Obama.

Pourquoi nul avantage Obama, selon moi? Parce que les deux hommes se sont contentés de remettre sur la table l'ensemble des propositions qu'ils avaient déjà énoncées à maintes reprises. Cependant, Obama a su mieux tiré son épingle du jeu lors de la première partie " improvisée " du débat portant sur la situation économique actuelle des États-Unis, où il n'a pas manqué de martelé que cette crise est le résultat de la mauvaise gestion économique menée par l'administration Bush que John McCain a soutenu 90 % du temps lors des votes au Sénat, et qu'il a d'autre part maintenu ses acquis lors du reste du débat portant sur la question de politique étrangère. Alors que John McCain a su seulement maintenir ses acquis tout le long du débat, ce qui ne lui a pas donné l'occasion de se démarquer de quelque façon que ce soit. Selon moi, la prédominance de Barack Obama lors de la partie traitant d'économie va certes contribuer à assoir l'opinion favorable qu'on de lui les Américains sur cette question. Pour le reste, il a réussi à relever avec brio le défi que représentait ce débat pour lui, compte tenu du fait qu'il est peut-être moins solide que son adversaire sur la question de la politique étrangère, ce qui laisse donc bien présager pour les débats suivants - portant sur l'économie et la politique intérieure, deux sujets sur lesquels Obama est très à l'aise.

Étrangement, McCain a été loin d'en imposer sur la question économique, lui qui a suspendu momentanément sa campagne plus tôt cette semaine pour retourner à Washington où il disait vouloir participer aux négociations bipartites sur le plan proposé par le président Bush pour remettre l'économie sur les railles. Était-ce donc pure stratégie électoraliste ou bien dévouement étatique?


Pour ceux n'ayant pas pu regarder ce débat en voici la transcription française effectuée par Radio-Canada



Question 1: Quelle est votre position sur la situation économique?


Obama: Revient sur les propositions qu'il a mises de l'avant afin de protéger les contribuables dans le cadre des négociations en cours: la surveillance des institutions, la possibilité pour les investisseurs de récupérer leurs billes; ne pas renflouer les comptes de banque des présidents-directeurs généraux d'entreprises touchées et aider les propriétaires de maison. La crise, dit-il, a été créée par le gouvernement Bush, et McCain l'a soutenu, dit-il. La santé de l'économie, dit-il, se mesure par la façon dont les gens ordinaires s'en sortent.

McCain: Met l'emphase sur l'effort bipartisan en cours à Washington. Il importe que les gens soient imputables, qu'il y ait de la surveillance des marchés. Le gouvernement, dit-il, doit procéder par des prêts plutôt que de prendre les actifs contaminés en charge. Crise fiscale la plus importante depuis fort longtemps. Nous avons beaucoup de travail à faire, dit-il, nous devons créer des emplois et cesser notre dépendance sur le pétrole étranger.

Débat: Obama dit qu'il est optimiste pour la conclusion d'une entente. Il revient rapidement sur les causes de la crise. Le gouvernement, dit-il, doit intervenir, mais nous devons nous interroger sur la dérèglementation qui a précédé la crise et sur la philosophie économique qui la justifie. McCain rappelle pour sa part qu'il a demandé la démission du président de la Commission des valeurs mobilières: les gens, dit-il doivent être imputables. Actuellement, on récompense l'avarice, dit-il. « Si je suis président, je promets que les gens seront imputables », dit-il.Obama contre-attaque en se disant en désaccord avec la déclaration de John McCain selon laquelle les bases de l'économie sont solides. Il dit s'inquiéter pour les infirmières, les professeurs, les policiers, etc, qui doivent s'endetter pour payer leur maison. Il faut se préoccuper d'eux, dit-il.McCain réitère qu'il y a eu des accès sur Wall Street et ajoute qu'il fait confiance aux travailleurs américains. « Je crois que nos meilleurs jours sont devant nous », dit-il.



Question 2: Quelles sont les différences fondamentales entre vos deux visions sur l'économie?

McCain: Établir un meilleur contrôle des dépenses à Washington et réduire la taille du gouvernement. Il a assuré que toutes les décisions financières qui passeront par son bureau seraient soumises à son veto. Il a accusé le candidat démocrate de promouvoir des dépenses inutiles et de vouloir gaspiller des fonds publics.

Obama: A accusé le sénateur de l'Arizona de promouvoir des baisses d'impôts qui, grâce aux échappatoires, ne profiteront qu'aux riches et aux grandes entreprises. Il propose, à l'opposé, des baisses d'impôts qui, selon lui, profiteront à 95 % de la population.

Débat: John McCain a proposé d'établir un système de crédit d'impôt qui se traduirait par un montant d'argent aux citoyens, ce qui leur permettrait de choisir eux-mêmes une assurance-maladie, d'opter pour un système universel. Barack Obama a rétorqué que sous le système de taxation proposé par John McCain, les compagnies pétrolières profiteraient de réductions d'impôt de 4 milliards de dollars.


Question 3: Que devrons-nous abandonner comme priorités en raison du plan de sauvetage?

Obama: Des choses devront être repoussées. On ne sait pas ce que sera le budget l'an prochain. Ce qui importe, c'est d'établir notre indépendance énergétique, investir dans les sources d'énergie alternatives, avoir des écoles concurrentielles et s'assurer de l'accessibilité aux études supérieures. Aussi, nos infrastructures doivent être revampées. Cela nous permettra d'être concurrentiels dans une économie mondialisée.

McCain: Nous devons réduire les dépenses. Le gouvernement est hors de contrôle. Le sénateur Obama, dit-il, est trop à gauche. Je veux abolir les subventions pour fabriquer de l'essence à l'éthanol. Nos dépenses militaires sont hors de contrôle. Nous devons avoir des contrats à coûts fixes. « Je sais comment le faire », dit-il en parlant d'un contrat entre Boeing et le département de la Défense dont il dit avoir forcé la renégociation.

Débat: Obama soutient qu'il importe d'investir dans l'énergie, mais admet qu'il y a peut-être certains éléments de son plan qui devront être abandonnés. Il attaque McCain sur les crédits d'impôt qu'il a accordés aux entreprises et s'en prend au rôle des lobbyistes. « Nous devrons changer la culture » prédominante à Washington. Il parle de son projet baptisé Google for governement, qui doit dresser une liste de tous les organismes qui reçoivent de l'argent public. McCain soutient pour sa part qu'il veut geler les dépenses du gouvernement, à l'exception de certains programmes, comme ceux pour les vétérans, et pour la défense nationale.Obama dit qu'il y a des programmes sous-financés, alors que d'autres postes de dépenses, comme la guerre en Irak, grèvent le budget du pays, alors même que le gouvernement irakien a beaucoup d'argent dans ses coffres.McCain soutient qu'il importe de faire l'exploration au large des côtes américaines. Il attaque Obama en disant qu'il est contre l'énergie nucléaire. McCain souligne son appui à la construction de centrales nucléaires, notamment pour lutter contre le réchauffement climatique. Relancé par Lehrer, Obama admet que le gouvernement doit s'attendre à avoir moins de revenus. Pour prendre de décisions difficiles, dit-il, il faut savoir pour qui l'on se bat, pour quelles priorités.McCain dit que le gouvernement ne doit pas s'immiscer dans la santé, comme le veut le sénateur Obama. « Une économie en santé est la meilleure recette pour que notre économie récupère ». Ce sont les dépenses hors de contrôle qui nous ont amenées là où nous sommes. « Je me suis toujours battu contre les dépenses inutiles », dit-il.Obama conclut en disant que la hausse des dépenses est le résultat des politiques du président Bush et que McCain a voté en faveur dans 95 % des cas. McCain rétorque que c'est faux.


Question 4: Quelles leçons tirer de l'Irak?

McCain: On ne peut se permettre d'avoir une stratégie qui risque de vous faire perdre la guerre. Il a argué qu'à la suite de pressions qu'il a faites, les États-Unis sont sur le point de revendiquer la victoire. « Nous gagnons en Irak et nous rentrerons avec dignité », a-t-il déclaré.

Obama: Selon lui, il n'aurait jamais fallu envahir l'Irak en premier lieu. Il a rappelé qu'il y a six ans, il s'était opposé à l'invasion de l'Irak, même si c'était très impopulaire à l'époque. Il a rappelé que plus de 600 milliards de dollars avaient été dépensés, que plus de 4000 militaires avaient été tués et que la guerre en Irak était une distraction du conflit en Afghanistan et de la traque des membres du réseau Al-Qaïda.

Débat: John McCain a déclaré que la question n'était pas de savoir s'il aurait fallu ou non envahir l'Irak, mais plutôt de savoir comment en sortir de façon victorieuse. Il a reproché à son adversaire de n'être jamais allé en Irak, contrairement à lui. Obama a reconnu le travail fait par les troupes américaines en Irak, mais a accusé McCain d'avoir erré, en 2003, en assurant que la victoire serait facile, que des armes de destruction massives seraient découvertes et que les militaires américains seraient accueillis en libérateurs.


Question 5: Faut-il envoyer plus de troupes en Afghanistan, et si oui, quand?

Obama: Oui, il le faut, et le plus vite possible. C'est ce que constate l'armée sur le terrain. Al-Qaida et les talibans se sont renforcés et nous attaquent en franchissant la frontière (pakistanaise). Il nous faut deux brigades de plus. Nous avons quatre fois plus de troupes en Irak qu'en Afghanistan et c'est une « erreur stratégique ». Le gouvernement Karzaï doit être imputable, il faut lutter contre culture du pavot doit cesser et nous devons nous intéresser au Pakistan, qui n'a pas fait ce qu'il devait faire en combattant les extrémistes et tant que ce ne sera pas fait, nous ne serons pas en sécurité.

McCain: Se montre contrit du désintérêt américain pour l'Afghanistan après le départ des Soviétiques. Il dit ne pas être prêt à couper l'aide au Pakistan. Il attaque Obama pour avoir dit qu'il est prêt à frapper au Pakistan. « Il faut travailler avec le gouvernement pakistanais », dit-il. En Afghanistan, nous devons utiliser la même stratégie qu'en Irak, en envoyant plus de troupes. Nous devons gagner l'appui des gens. Ce sera difficile. Il se dit confiant, surtout avec le général Petraeus qui est maintenant responsable.

Débat: Obama dit qu'il ne veut pas attaquer le Pakistan, mais soutient que si Oussama Ben Laden est dans la mire des États-Unis, « nous devons y aller » . « C'est la bonne stratégie », dit-il. Le problème avec notre stratégie des dernières années, ajoute-t-il, c'est que nous avons soutenu un gouvernement non démocratique. Ce faisant, les États-Unis ont perdu de la légitimité et ont dépensé de l'argent sans que le gouvernement pakistanais ne s'attaque réellement aux islamistes radicaux.McCain reprend la balle au bond en disant qu'Obama que le Pakistan vacillait quand Moucharraf est arrivé. Il se lance dans une énumération de ce qu'il a appuyé au fil des années: la guerre du Golfe, l'opération militaire en Bosnie, l'intervention au Kosovo. Il dit comprendre le fardeau d'une défaite pour l'armée (en faisant référence au Vietnam). « Nous allons gagner cette guerre », dit-il.Les deux candidats ont ensuite raconté des histoires de mères éplorées qu'ils ont rencontrées. McCain raconte s'être fait dire qu'il ne faut pas que les soldats soient morts pour rien; Obama s'est fait dire qu'il ne fallait pas que la situation se reproduise. Obama insiste sur le fait que les États-Unis ont détourné leur attention de l'Afghanistan. McCain conclut en disant que le retrait d'Irak que préconise Obama aura un effet calamiteux pour l'intérêt national des États-Unis.


Question 6: Quelle est la menace de l'Iran pour les États-Unis?

McCain: Il s'est dit convaincu que les Iraniens cherchaient à acquérir l'arme nucléaire. Si l'Iran acquiert l'arme nucléaire, c'est Israël et tout le Moyen-Orient qui est menacé, selon lui. Il a dénoncé les pays comme la Russie et la Chine, qui font du commerce avec l'Iran. Il a proposé un front commun des démocraties qui accentueraient la pression sur le régime de Mahmoud Ahmadinejad.

Obama: À son avis, la guerre en Irak a renforcé l'Iran, qui maintenant finance des organisations terroristes et a acquis de nouvelles centrifugeuses. Il a reconnu que l'arme nucléaire constituait une menace. Toutefois, selon lui, la manière forte n'a jamais fonctionné, et c'est par la voie d'une diplomatie rigoureuse que le contentieux avec l'Iran serait réglé.


Débat: McCain a reproché à Obama d'être prêt à rencontrer, sans condition, des dirigeants comme Mahmoud Ahmadinejad (Iran) Hugo Chavez (Venezuela) et Raul Castro (Cuba). Obama a rétorqué en disant qu'Henry Kissinger, un conseiller de McCain, a lui-même proposé la tenue de telles rencontres. Un débat rhétorique s'en est ensuivi sur la question d'une rencontre « sans condition ». Selon McCain, Obama joue un jeu dangereux en proposant de telles rencontres. Obama a précisé que « sans condition » ne voulait pas dire sans préparation, mais plutôt sans que les États-Unis soient les seuls à dicter les règles du jeu.


Question 7: La Russie: compétiteur, ennemi ou partenaire?


Obama: Notre approche doit être réévaluée, en raison des récentes actions de la Russie. La présence des Russes en Géorgie est inacceptable, dit-il. Ils doivent se retirer d'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Il faut expliquer aux Russes, « qu'ils ne peuvent être une superpuissance du 21e siècle en se conduisant comme une dictature du 20e siècle ». Nous ne pouvons toutefois revenir à l'époque de la Guerre froide, parce que nous avons des intérêts communs. Les missiles nucléaires de la Russie, par exemple, pourraient tomber dans les mains d'Al-Qaïda. Néanmoins, le comportement appelle une réponse ferme.


McCain: La réponse d'Obama à l'invasion russe en Géorgie - un appel aux deux parties à faire preuve de retenue - est un autre exemple de la naïvité du sénateur Obama. Il ne comprenait pas que la Russie avait agressé la Géorgie, dit-il. La Russie, affirme-t-il, est un « gouvernement d'apparatchiks du KGB. J'ai regardé dans les yeux de Poutine, et j'ai vu les lettres K-G-B ». Aussi, nous devons renforcer nos alliés. McCain explique que c'est un conflit qui porte sur le pipeline qui transporte le pétrole de la mer Caspienne. Il précise qu'il soutient l'inclusion de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'OTAN. Il affirme que la Russie viole les termes de l'entente de cessez-le-feu. Les Russes, selon lui, n'attendaient qu'une occasion pour envahir la Géorgie. Ajoute qu'il faut maintenant surveiller ce qui se passera en Ukraine, où une vase de la marine russe se trouve, à Sébastopol. Le bras de fer entre les deux dirigeants ukrainiens devra être surveillé de près.

Débat: Obama se défend d'avoir répondu mollement lorsque la Russie a envahi la Géorgie. « Nous devons faire preuve de vision et anticiper les problèmes », dit-il. Le sénateur de l'Illinois dit avoir plaidé auprès du gouvernement Bush que les soldats russes en sol géorgien devaient être remplacés par des troupes d'autres pays. Obama souligne que [l'ex-président et maintenant premier ministre] Vladimir Poutine se sent fort en raison des pétrodollars, dit-il, avant de faire dévier le débat en soulignant que les États-Unis consomment 25 % du pétrole mondial. Nous devons nous tourner vers des sources d'énergie renouvelable. McCain poursuit dans la même veine et réitère l'importance de faire de l'exploration au large des côtes. Obama précise que contrairement à ce que dit son adversaire, il n'est pas contre le nucléaire, mais se soucie des problèmes de sécurité que cela entraîne.


Question 8: Risquons une autre attaque semblable à celle du 11 septembre 2001?

McCain: A déclaré que les États-Unis sont beaucoup plus sûrs qu'au lendemain des attentats du 11 septembre. Il en attribue en partie le mérite à une commission qu'il a menée en compagnie du sénateur Joe Liberman. Il a toutefois reconnu qu'il restait du travail à faire

Obama: Selon lui aussi, les États-Unis sont plus sûrs, mais il reste du chemin à faire. Les sites où sont entreposés des produits chimiques et le secteur des transports, entre autres, doivent jouir d'une meilleure protection. Selon lui, la plus grande menace ne vient pas d'un missile d'une nation ennemie, mais du fait que des groupes terroristes pourraient mettre la main sur une arme nucléaire. Il a encore une fois rappelé que l'Irak avait été une distraction dans la traque aux terroristes.

Débat: Selon John McCain, si les États-Unis perdent la guerre en Irak, cela signifiera la victoire d'Al-Qaïda et des autres groupes terroristes. Pour Barack Obama, les États-Unis doivent restaurer leur image dans le monde avant de penser à attaquer une autre nation.

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