mardi 28 octobre 2008

De l'inégalité raciale en Amérique?


««All men are created equal»: cette phrase célèbre figure dans l’acte de fondation de la première démocratie moderne de notre planète; elle a été écrite en 1776 par Thomas Jefferson, père de la Constitution américaine et futur président des États-Unis. Depuis la déclaration d’indépendance, cette affirmation n’a rien perdu de son effet de programme visionnaire.»* La quête de l’égalité - à comprendre aux États-Unis comme étant l’égalité des chances dans la recherche du bonheur - a été une force motrice de plusieurs mouvements d’émancipation tout au cours de l’histoire des États-Unis. Ainsi, c’est au nom de l’égalité que le Mouvement des droits civiques a milité en faveur de l’abolition de la ségrégation raciale, que les femmes ont luttés pour obtenir le droit de vote et luttent toujours pour obtenir l’équité salariale et que les gais et lesbiennes luttent toujours pour qu’on leurs reconnaissent des droits égaux à ceux des hétérosexuels, pour ne nommer que ceux-là. À cet égard, on peut dire que l’égalité est un des idéaux animant les Pères fondateurs et auxquels croient encore les Américains, puisque ces derniers se plaisent à affirmer, qu’étant donné que les États-Unis sont une terre de liberté et de prospérité, que tous, moyennant du temps et de sérieux efforts, peuvent prétendre atteindre l’idéal du « rêve américain ». Cependant, la réalité est beaucoup moins étincelante que ces derniers se plaisent à le dire. Globalement, on peut dire que la société américaine est plutôt inégalitaire, si l’on se fit à au coefficient GINI des États-Unis (0.408 ) - où 0 signifie l'égalité parfaite et 1 signifie l'inégalité totale -, qui classe ce pays au 52e rang sur 125 pour l’inégalité que l’on y retrouve dans la distribution des revenus, où bien à l’IDH, qui classe les États-Unis au 12e rang des pays industrialisés avec un résultat de 0,951 . Toutefois, on peut affirmer que l’exemple des populations afro et hispano américaines illustre éloquemment que certains citoyens, c’est-à-dire les WASP, sont plus égaux que d’autres.

D’abord, le taux de pauvreté chez ces deux minorités ethniques aux États-Unis s’avère être un indicateur de l’inégalité des revenus entre ces derniers et le reste de la population américaine. En effet, en 2004 24,7 % des Afro-Américains et 21,9 % des Hispano-américains vivaient sous le seuil de la pauvreté comparativement à 8,3 % des blancs qui se retrouvaient dans la même situation qu’eux. Le taux de pauvreté, bien qu’il ne soit à lui seul pas représentatif de l’inégalité dont sont victime les minorités ethniques aux États-Unis, démontre hors de tout doute que ces dernières ne se sont pas bien intégrées économiquement à la société américaine. De plus, certains indicateurs comme le taux de chômage, qui en novembre 2005, était de 10 % chez les Noirs contre 4,3 % chez les blancs, selon un rapport du département du Travail américain, tendent à appuyer la thèse de la faible intégration économique des minorités ethniques américaines.

Ensuite, le concept du profilage racial, qui réfère à « toute action prise par une ou des personnes en situation d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs d’appartenance réelle ou présumée, telle la race, sans motif réel ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou à un traitement différent. »*, action prise par une ou des personnes en situation d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs d’appartenance réelle ou présumée, telle la race, sans motif réel ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou à un traitement différent, est un élément venant confirmer le traitement inégal des minorités aux États-Unis. Par exemple, en 1997 malgré le que les Noirs représentaient seulement 7 % de la population américaine, ils faisaient néanmoins l’objet de 38 % des arrestations pour attaque à main armée et de 59 % des arrestations pour vol. Même en tenant compte de la distorsion induite par la tendance probable des policiers à procéder plus facilement à une arrestation lorsque le suspect est identifié comme Noir, la disproportion demeure considérable, ce qui s’avère être un indicateur très substantiel permettant d’affirmer que la population afro-américaine n’est pas égale au reste des Américains aux yeux de la loi. À cela s’ajoute les disparités raciales prédominantes lorsqu’il vient le de traiter du taux d’incarcération et de fixer la durée des peines aux États-Unis. En effet, 37 % des prisonniers aux États-Unis sont des hommes noirs, alors qu'ils ne représentent que 7 % de la population du pays. Au total, près de six prisonniers sur dix sont noirs ou hispaniques. De plus, selon la National Urban League, la durée moyenne des peines de prison imposées à des Noirs est de six mois plus longue que celles imposées à des blancs à crime égal. Cela illustre, encore une fois, à quel point les minorités aux États-Unis sont désavantagées par rapport à l’ensemble de la population, ce qui est loin de conforter le statut de l’Amérique au chapitre de l’égalité sociale.

Par ailleurs, en plus de toutes les données quantifiables témoignant des inégalités auxquelles les populations afro et hispano américaines sont exposées, il y a toutes les données qualitatives ne pouvant être rapportées sous forme de statistiques. Ainsi, la ghettoïsation des Noirs et des Hispaniques dans certains quartiers pauvres des grands centres américains, par exemple Harlem à New York ou le South Central à Los Angeles, ou la discrimination dont sont victime ces groupes, sans être des phénomènes majoritaires, témoignent de l’isolement dont ils sont victime. De surcroît, est-il permis de voir certaines formes d’inégalités dans le fait que plus de 80 000 noirs américains meurent chaque année faute d'assurance santé et que la mortalité des noirs d'une quarantaine d'années est deux fois plus importante que celle du même groupe d'âge chez les blancs? Après accumulation de plusieurs faits évocateurs, il appert que oui.

Bref, malgré le succès de certains membres des populations afro et hispano américaines dans diverses sphères de la société, par exemple Condoleezza Rice, David Paterson, Tiger Wood, Sidney Poitier, Gabriela Mistral, etc., on peut dire qu’une majorité d’entre eux ne bénéficient pas de chances égales, par rapport au reste de la population, dans leur quête du bonheur. On peut donc affirmer, à l’égard de l’exercice auquel nous nous sommes livrés, que l’égalité américaine relève plutôt du mythe que de la réalité, surtout lorsqu’il s’agit de celle des minorités ethniques composant la population américaine.

Marc-Olivier Cyr

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